Œuvrer à la paix en réinventant la sécurité

12 September 2025

Chronique signée par les ambassadeurs Nathalie Chuard, Thomas Greminger et Tobias Privitelli pour la Tribune de Genève

Ce mois, le Centre de politique de sécurité Genève (GCSP), le Centre international de déminage humanitaire Genève (GICHD) et DCAF, le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité Genève marquent l’anniversaire de leur création à l’initiative de la Suisse.

Gouvernance

La paix ne se décrète pas, elle se construit chaque jour en repensant les modèles de gouvernance, aux niveaux local et international, et en s’assurant de leur mise en œuvre au bénéfice des populations. Face à l’essor des bouleversements géopolitiques et des conflits, de la remise en question des fondements mêmes de la démocratie, des crises sociales et des bouleversements climatiques, les priorités des États et des institutions internationales se redessinent. Un paradoxe néanmoins persiste: multiplier les mesures de protection ou réaction face aux menaces tend à reléguer la sécurité des individus au second plan. Les grandes crises violentes, telles que celles qui perdurent en Ukraine et à Gaza, rappellent combien les tensions politiques éclipsent trop souvent la dimension humaine de ces événements, minant ainsi la stabilité. Cette situation freine la protection des civils, la construction de la paix et la mise en place de modèle de gouvernance de la sécurité effectives, inclusives et légitimes.

Aujourd’hui, la résurgence des conflits interétatiques, les crises humanitaires, l’inégalité et les impacts du dérèglement climatique créent des défis mondiaux, comme on peut le constater ces dernières années avec l’exemple du Sahel. Des politiques purement militaires risquent d’accentuer tensions et extrémismes, surtout dans un contexte marqué par le développement rapide de technologies qui génèrent autant de nouveaux risques que d’opportunités. Il est donc essentiel d’allier la sécurité de l’État à la sécurité humaine – entendue ici comme visant à prendre en compte les besoins et la protection des populations –, en renforçant les capacités des acteurs locaux et d’institutions dignes de confiance, et en misant sur la diplomatie préventive, le dialogue et une action humanitaire renforcée. Ces leviers sont indispensables au développement et à la construction d’une paix durable.

Il importe aussi de dépasser les stéréotypes: les besoins de protection, de sécurité et de justice des individus et des communautés ne sont l’apanage ni d’une région ni d’une tradition politique. Précarité, fragilité et vulnérabilité restent des réalités universelles, exacerbées par la polarisation politique et la crise économique mondiale.

Afin d’avancer, il faut décloisonner nos approches. Notre collaboration avec les parties prenantes sur les questions sécuritaires et humanitaires (gouvernements, parlements, institutions de sécurité, organisations internationales et régionales ainsi que médias, société civile et acteurs humanitaires) montre que des réponses croisées, ancrées dans la diversité, génèrent des solutions concrètes et adaptées. Il est urgent d’expérimenter de nouvelles idées et de nouveaux modes d’action, promouvant la bonne gouvernance ainsi qu’une culture de dialogue et de collaboration entre toutes les parties prenantes à la paix et la sécurité mondiale.

Aujourd’hui, aucun État ne peut s’isoler face aux défis mondiaux. La confiance, un esprit de partenariat et d’ouverture doivent guider nos actions. Sans ignorer les défis sécuritaires immenses de notre monde, nous sommes persuadés que seules des réponses intégrées, alliant protection et appropriation locale, ouvrent une perspective réelle vers des sociétés justes, pacifiques et inclusives.

Disclaimer

Cet article a été initialement publié dans la Tribune de Genève. Les points de vue, informations et opinions exprimés dans cette publication sont ceux de l'auteur/des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du GCSP ou des membres de son Conseil de fondation. Le GCSP n'est pas responsable de l'exactitude des informations.